Focus alumni : Portrait de Fatimata SY, créatrice upcycling

Vous êtes une alumni mais également une intervenante chez MOD’SPE. Qu’enseignez-vous aux étudiants ?

Quel lien avez-vous avec l’école MOD’SPE et quels souvenirs gardez-vous de vos années en tant qu’étudiante ?

Je suis une diplômée de MOD’SPE de la fin des années 90. J’ai toujours gardé un lien avec MOD’SPE en recrutant des stagiaire et même une alternante il y a 3 ans. Je considère MOD’SPE comme une Ecole à taille humaine et j’ai gardé un véritable affect pour l’Ecole qui se manifeste par mon lien avec les équipes et les intervenants.

Quand on est chef de produit, on est amené à travailler avec des stylistes dans l’atelier, voir des prototypes, etc. Je trouve que c’est génial qu’on puisse avoir une approche pratique. Selon moi, on ne peut pas vraiment travailler le produit si on ne connait pas toutes les étapes de la création à la vente du produit.  

– Fatimata SY, Alumni MOD’SPE (Promo 1996)

Quel est votre parcours professionnel en dehors de vos cours chez MOD’SPE ?

Je suis entrepreneuse, et j’ai créé ma structure il y a 15 ans. Elle a évolué au fil des années ; je créais d’abord des collections en petite série… Puis, rapidement j’ai basculé sur un autre format de collections,  que l’on appelle aujourd’hui l’up-cycling ; à l’époque, on ne lui donnait pas ce nom-là.

J’ai ensuite développé une approche complémentaire à partir de chutes de vêtements que je transformais, principalement le jean. J’aimais déjà cette matière, j’avais envie de la travailler, et j’avais conscience que c’était un article surproduit. On parlait déjà de pollution à cause de toutes les étapes de production du jean et de leurs effets sur les ouvriers  (sablage, délavage…).

L’upcycling

© FatimataSY

Quand j’ai démarré, j’ai fait fabriquer grâce à des commandes classiques de rouleaux de tissus. Mais ma problématique en tant que jeune créatrice, c’est que je ne pouvais pas acheter plusieurs types de matières différentes dans les minimums imposés sur Première Vision par exemple. Après quelques saisons, je n’ai plus pu développer la fabrication en série, en France comme je le voulais. 

C’est de là que je me suis intéressée à l’up-cycling et aux stocks dormants. Ce n’était pas un choix stratégique, mais plutôt un choix économique. J’ai travaillé dans le sens inverse ; j’ai commencé par consommer des quantités de tissus limités et exclusives (coupons, stocks dormants, fins de séries ou de stocks…)  Produire avec quantités importantes, ce n’était pas viable pour des petites structures comme la mienne. 

Ensuite, sont venus le goût et la réflexion de proposer des pièces uniques, de faire un inconvénient un avantage. L’envie d’avoir un vestiaire qui soit unique se faisait sentir ; cela m’a apporté une autre clientèle particulière qui avait des problématiques morphologiques. C’est ainsi que mon cheminement créatif s’est construit. 

Quels sont les défis que vous avez rencontrés en tant que créatrice indépendante ?

En tant que structure artisanale, le COVID m’a énormément mise en danger et je me suis demandé : « comment moi, je pourrais continuer mon métier; de quelle façon ? » Les comportements d’achat, les problématiques de télétravail ou d’achat en ligne m’ont interpelée ; Je me suis également rendu compte que la clientèle la plus friande de Made In France est souvent étrangère… Tous ces questionnements m’ont amenée à me demander comment je pouvais me restructurer pour pérenniser mon entreprise. 

Comment doit-on changer notre business model, notre  distribution pour atteindre une clientèle qui est déjà là, qui consomme, mais qui a complètement changé ses modes de consommation. 

Le vêtement est devenu un accessoire, et il y a un espèce de dichotomie entre l’envie de consommer de la mode de marque, du made in France et le pouvoir d’achat que l’on veut bien y attribuer.. Le luxe ou certaines marques Premium n’ont pas ce problème par exemple, mais des maisons intermédiaires historiques se sont vues bousculer et parfois tomber en ne réalisant pas suffisamment tôt la bascule, ou en étant trop optimistes au sortir du Covid. Entre décisions d’investissement stratégiques risquées, d’attentisme ou de freins sur le digital notamment, nombre d’entre elles ont fait faillite ou subissent des redressement.

Un autre problème, est l’offre complètement délirante, la surproduction qui engendre une surconsommation… Je me suis interrogée sur la pertinence d’une ligne balnéaire en série ; ne doit-on pas réfléchir à ce que l’on produit et comment en vient-on à la consommation responsable ? A-t-on besoin de produire autant ? Les gens sont-ils autant en demande et a-t-on besoin d’avoir autant de stock ? Et dans le même temps, comment peut-on faire pour produire localement ?

J’espère qu’une production relocalisée en France renforcera l’Industrie Textile. Cela prendra du temps, mais je pense que le COVID aura eu cet aspect positif sur l’industrie de la mode : repositionner un peu les cartes pour tout le monde.

Je pense que si la production se relocalise en France, l’industrie textile va se renforcer. Ça va mettre un peu de temps, mais je pense que le COVID aura eu cet aspect positif sur l’industrie de la mode : repositionner un peu les cartes pour tout le monde.

– Fatimata SY, Alumni MOD’SPE (Promo 1996)

Cette année, MOD’SPE fête ses 30 ans. Quels sont vos vœux d’anniversaire pour l’école ?

Étant une ancienne étudiante, je vois vraiment l’évolution de MOD’SPE. Je la trouve très positive. L’école s’est ouverte à de nouvelles formations de plus en plus spécifiques et professionnalisantes avec l’Alternance. 

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